Ivan Calatayud
" Modigliani, tout comme Van Gogh, eut une courte carrière mais marqua à jamais la peinture moderne de son empreinte de dandy " |
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Modigliani, le prince de Montparnasse...
Bien des amateurs ont été sous le charme de l’oeuvre de Modigliani. Des portraits souvent mélancoliques, touchants, de gens de tous les jours, assis sur une chaise en paille ou accoudés à une table... Mais le génie du peintre italien ne se résume pas seulement à l’art de retranscrire la figure humaine. Il réussit là où personne n’osa jamais s’aventurer : marier le cubisme à la pureté de lignes et l’élégance de l’école siennoise, dans une harmonie proche de la perfection.
Amedeo Modigliani naît à Livourne, en Italie, le 12 Juillet 1884. Il est le quatrième fils d'Eugénie Garsin et Flaminio Modigliani, descendants des Juifs séfarades expulsés d'Espagne et du Portugal en 1492 et réfugiés dans divers pays européens.
Une bonne éducation
Le père, dans un premier temps marchand prospère et propriétaire d'une agence immobilière, s’endette et fait faillite au moment où Amedeo voit le jour ! Toutefois, en dépit de la mauvaise situation financière du père d’Amedeo et grâce à l'aide des parents aisés de la mère, les enfants Modigliani reçoivent une bonne éducation, ce qui amène Emmanuel, l’aîné, à devenir avocat et le troisième enfant Umberto, ingénieur des mines. La deuxième, Margherita, continue à vivre sous le toit familial et adoptera plus tard Jeanne Modigliani, la fille d’Amedeo. Amedeo est également bien instruit. Il se familiarise avec la poésie et la littérature, de Dante à Nietzsche. Sa mère lui prédit une carrière dans l'art mais, en même temps, hésite à l’encourager dans ce sens. En 1898, le jeune artiste commence à dessiner et peindre puis laisse peu à peu de côté les matières. Il réussit à prendre des cours de peinture avec le peintre et professeur Guglielmo Micheli (1866-1926) à Livourne.
Une santé fragile
Adolescent, Modigliani est souvent malade. Il souffre
de pleurésie et contracte la tuberculose. Bien que très
faible physiquement, il consomme du haschish régulièrement. “Amedeo Modigliani a les manières d'un enfant
gâté”, dira sa mère. Durant son adolescence, il
commence un mode de vie décadent.
La tuberculose contraint le fils rebelle à interrompre ses leçons avec Micheli en 1901. Sa mère l'emmène en
voyage à travers l'Italie du Sud pour visiter les musées
dans plusieurs villes. Le jeune Amedeo y développe un
intérêt pour la sculpture. À son retour à Livourne, il se dirige
vers la carrière de marbre local pour créer ses premières
sculptures. Puis, Modigliani s’inscrit à l’école
d’art de Florence en 1902 où son professeur est Giovanni
Fatori (1828-1905). L’année suivante, c’est
l’institut des Arts de Venise qui l’accueille et où il va fréquenter les bas-fonds... Les quatre années suivantes,
nous ne savons que peu de choses quant aux activités
du peintre. De plus, très peu d’oeuvres de cette époque
ont survécu.
Paris
En 1906, Dedo, surnom que lui donnait sa mère, déménage à Paris, capitale de l’avant-garde de l’époque.
Il s’installe au “Bateau Lavoir”, ateliers d’artistes bon
marché situés à Montmartre. Ses premières oeuvres
parisiennes à tendance expressionniste (Portrait de la
juive, 1907) ne sont pas sans rappeler un certain Toulouse
Lautrec... Très vite Modigliani fait la rencontre
de Van Dongen, Picasso, Guillaume Appolinaire et
Max Jacob. Picasso est sur le point de révolutionner l’art moderne. En effet, le peintre espagnol rencontre
un succès certain avec ses acrobates de La période
rose. Ambroise Vollard, marchand d’art célèbre, lui
achète toute sa production de 1905 ! Picasso prend alors
un virage. Des formes angulaires et sphériques apparaissent
sur ses sujets. Il décide de pousser plus loin le
travail de son maître décédé la même année, Paul Cézanne,
qui lui a droit au même moment à une super retrospective
de son oeuvre à la Galerie Vollard. Le jeune Modigliani se laisse également influencer par
ces deux peintres. Mais Pablo Picasso restera “son modèle”
pour la suite de sa carrière.
Montparnasse
Les quelques années suivantes apportent peu de renseignements
concernant la vie du maître de l’école de
Paris. Nous savons qu’il sculpte beaucoup entre 1910
et 1914 sous les encouragements de Brancusi. Grâceà certaines oeuvres célèbres de Modigliani, notamment
des portraits, il semble facile de constater qu’il
se lie après 1915 avec les artistes de Montparnasse. Il
les immortalisera d’ailleurs dans des peintures saisissantes.
Soutine, Diego Rivera, Juan Gris, Léopold Survage,
Max Jacob, Blaise Cendrars, Foujita, Jean
Cocteau et Raymond Radiguet sont les plus connus...
Au déclenchement de la Première Guerre mondiale,
Modi, comme l’appellent ses amis proches, essaye de
s'engager dans l'armée mais sa santé précaire le fait réformer.
Il s’adonne à l’alcool et au cannabis de plus
en plus souvent. Sa santé se détériore. Il se remet à
sculpter mais ses poumons le faisant souffrir, il ne supporte
plus de respirer les éclats de pierre qui le font
tousser. Son style évolue. Ce bref passage à l’art de la
pierre l’influence dans sa peinture. Les visages s’allongent, les cous sont de plus en plus cylindriques.
Modigliani mélange très habilement deux styles
jusque-là imcompatibles : le cubisme et le maniérisme.
En mars 1917, à la Rotonde, Amadeo rencontre Jeanne
Hébuterne, sa future compagne. Le père de celle-ci,
caissier dans une mercerie, est un homme de culture.
Passionné par la littérature du XVIIe siècle, converti au catholicisme et “aux moeurs austères”, il voit d'un
très mauvais oeil la relation de sa fille avec un peintre
juif qu'il juge marginal. Jeanne, jeune fille de bonne
famille, vit une véritable passion pour “Le prince de
Montparnasse” comme elle aime tant l’appeler. Le
frère de Jeanne, André Hébuterne, est aussi un peintre
paysagiste. Contre l'avis de son père, Jeanne s'installe
avec Modigliani rue de la Grande-Chaumière, à Montparnasse,
dans un atelier que leur loue Léopold Zborowski, marchand de tableaux. Mais la maladie affecte
de plus en plus Modigliani et, bien que déjà très souffrant,
il continue à abuser de drogues et d’alcool. Toutefois,
ces abus ne l’empêchent pas de travailler. Il
produit beaucoup de portraits de gens du quartier ou
d’intellectuels. Modi sait capter l’essentiel chez l’humain
et son magnétisme naturel ne laisse personne indifférent.
La sensibilité du peintre bouleverse son
entourage. Les derniers portraits de l’artiste dégagent
une humanité stupéfiante comme La belle épicière,
1917, ou encore Portrait de Béatrice Hasting, 1918.
Le 3 décembre 1917, Zborowski organise la première
exposition personnelle de Modigliani à la Galerie
Berthe Weill, 50 rue Taitbout. L'exposition est fermée
sur ordre de la Préfecture pour indécence : les nus en
vitrine choquent les passants. Au grand désespoir de
Berthe Weill, aucune vente ne se concrétisera.
Sur les conseils d’un médecin, Zborowski envoie le
peintre à Nice (“L’air y est meilleur pour ses poumons”),
avec Jeanne Hébuterne qui accouche fin 1918
d'une fille prénommée Giovanna. Il peint sur de plus
grands formats, éclaircit sa palette et croquera les seuls
paysages que nous lui connaissons. En mai 1919, tous deux retournent à Paris, rue de la
Grande Chaumière. Les nouvelles toiles d’Amedeo intègrent
plus de volumes. Les déformations maniéristes
sont poussées à l’extrême, le cubisme semble s’effacer
peu à peu au profit de la ligne courbe (Portrait de
Jeanne enceinte, 1919). Paradoxalement et alors que
ses forces le quittent, Modigliani produit certaines de
ses plus belles oeuvres.
En 1920, et après vingt ans d’une vie tumultueuse et
tourmentée, l’état de santé du jeune Italien se dégrade
rapidement. Il peint un de ses rares autoportraits.
N'ayant pas de nouvelles de lui depuis plusieurs jours,
deux de ses amis le trouvent délirant dans son lit, tenant
la main de Jeanne. Le médecin ne peut que
constater son état désespéré. Amedeo Modigliani
meurt d'une méningite tuberculeuse le 24 janvier 1920 à l’âge de 36 ans. Il est enterré au cimetière du Père
Lachaise. Jeanne, ne supportant pas l’idée de vivre
sans lui, se défenestrera deux jours après. Elle était enceinte
de 9 mois...
Modigliani, tout comme Van Gogh, eut une courte carrière
mais marqua à jamais la peinture moderne de son
empreinte de dandy. Pablo Picasso, sur son lit de mort
en 1973, dans un demi-soupir, réclamera Guillaume
Apollinaire et... Modigliani.
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